Get all your news in one place.
100’s of premium titles.
One app.
Start reading
The Walrus
The Walrus
The Walrus Lab

Des films et de la phonétique : La numérisation de l’histoire du Yukon

Dans cet épisode, nous commémorons les 125 ans de la création du territoire du Yukon. Nous nous sommes entretenus avec Paul Caesar-Jules, un jeune Kaska de Watson Lake. Il nous raconte ce qu’il fait comme travail au département linguistique de la Première Nation Liard, où il numérise les médias de cassettes d’aînés parlant en langue dénée. Vous entendrez aussi la voix de Michael Gates, un historien spécialisé sur le Yukon, qui nous ramène à l’époque où des films muets de Hollywood ont été trouvé en 1978, enterrés sous le pergélisol dans la ville de Dawson et ce que cela signifie dans le cadre de la ruée vers l’or. Finalement, nous nous entretiendrons avec le chef régional Kluane Adamek. Elle nous parle du rôle important que la jeunesse autochtone aura à jouer pour assurer le futur du Yukon et de l’importance du leadership matrilinéaire dans sa communauté. Ce balado est financé par le gouvernement du Canada et est produit par The Walrus Lab.

Listen to the episode:


Clip sonore – Chanson Challenge – archives sonores en langue Kaska

Angela Misri: Paul Caesar-Jules devient émotif chaque fois qu’il entend la voix de ses aînés Kaska.

Angela Misri: Ce jeune de 26 ans, originaire de Watson Lake au Yukon, a appris le Kaska avec sa grand-mère et, maintenant, il l’enseigne. Une partie de son travail au département linguistique de la Première Nation Liard est de numériser les cassettes d’aînés qui discutent plusieurs langues dénées… comme ils le font avec cette chanson qui accompagne les jeux de mains.

Paul Caesar-Jules: La chanson Challenge est pour ceux qui gagnent et qui invitent les perdants à jouer contre eux. C’est ainsi qu’ils chantent la chanson Challenge pour eux. C’est génial de l’entendre et de voir comment les batteurs finissent par se fatiguer de jouer du tambour parce que c’est très intense, c’est comme deux, deux battements rythmiques, mais c’est constant. Ainsi, ils commencent à chanter.

Angela Misri: Bienvenue dans Voyages dans l’histoire canadienne, un balado qui explore les moments clés de l’histoire de notre pays. Ce balado est financé par le gouvernement du Canada et est créé par The Walrus Lab. Je m’appelle Angela Misri. Notre épisode d’aujourd’hui portera sur les commémorations des 125 ans de la création du territoire du Yukon. Dans un instant, je vais parler à l’historien spécialisé sur le Yukon, Michael Gates, ainsi qu’à la Cheffe régionale, Kluane Adamek, afin d’entendre leur point de vue sur cet anniversaire. Mais, tout d’abord, revenons à Paul Caesar-Jules qui se dévoue à la préservation du Kaska en particulier, en raison des effets qu’a eus la colonisation sur leur langue à l’époque.

Paul Caesar-Jules: Préserver sa langue, l’apprendre et l’enseigner demeurent très importants afin de se valoriser. Je me souviens d’une chose en particulier que ma grand-mère me disait lorsque nous étions enfants, elle nous disait: peu importe ce que vous faites dans la vie, faites ce que vous voulez, mais ne perdez pas votre identité en tant que personne Kaska.
Angela Misri: On pouvait entendre à travers les paroles de la grand-mère de Paul toutes les expériences qu’elle a vécues. On l’a enlevée de sa maison alors qu’elle n’était qu’une enfant pour l’envoyer au pensionnat… où elle n’était pas autorisée à parler sa propre langue. Tristement, elle n’était pas le seul membre de la famille de Paul à avoir vécu cette situation.

Paul Caesar-Jules: Plusieurs aînés m’ont raconté leur histoire et comment ils ont été touchés par les pensionnats. Ce n’était pas très bien vu de parler Kaska, c’était plutôt de parler anglais.

Angela Misri: Mais la grand-mère de Paul se souvient également d’avoir célébré avec sa communauté la levée de l’interdiction des potlatchs par le gouvernement fédéral en 1951… Elle n’avait que six ans à ce moment.

Paul Caesar-Jules: Le moment où ils ont enlevé l’interdiction des potlatchs, où les peuples ont été en mesure de s’exprimer et de poursuivre leur pratique du potlatch. Aussi, de voir tout le pouvoir que cela leur confère de célébrer leur culture. Donc, elle se souvient qu’elle était en train de marcher du Francis Lake au Ross River. Elle se souvient de tout ce qui l’entourait, les gens qui marchaient sur le même sentier et qui s’exprimaient à travers le chant et la danse et qui jouaient du tambour sur le sentier. Cela devait être si puissant d’en être témoin à un si jeune âge.

Angela Misri: Alors que Paul continue d’apprendre, d’enseigner et de participer à la préservation de la langue Kaska, il espère pouvoir continuer de transmettre l’héritage que sa grand-mère lui a transmis aux futures générations, qui pourront à leur tour porter cet héritage Kaska pour au moins les 125 prochaines années…

Paul Caesar-Jules: C’est intimidant, mais c’est aussi quelque chose de beau à exprimer, car c’est la génération des petits-enfants. Je suis le petit-fils de ma grand-mère. C’est donc un lourd fardeau à porter, mais il faut aussi… faire preuve de respect. C’est une chose à laquelle je réfléchis toujours lorsque je pense aux jeunes, aux enfants du secondaire et à la facilité avec laquelle ils peuvent s’approprier les mots kaska. J’aime être plutôt optimiste quant à la préservation de la langue et je ne pense pas qu’elle soit sur le point de mourir.

Angela Misri: Paul et ses collègues au département linguistique de la Première Nation Liard poursuivent la numérisation de cassettes d’aînés qui discutent en plusieurs langues dénées, incluant le Kaska afin de conserver le plus possible cette langue.

Angela Misri: En fait, mon prochain invité en sait un peu sur l’importance de numériser des dossiers… mais dans un tout autre contexte. L’écrivain et historien, Michael Gates, est l’auteur de plusieurs livres d’histoires, incluant «Hollywood in the Klondike: Dawson City’s Great Film Find.» [traduction libre: Hollywood au Klondike: la grande découverte cinématographique de Dawson City]. Il est ici afin de nous présenter les événements importants qui ont façonné l’évolution du Yukon au cours des 125 dernières années… incluant la découverte des films hollywoodiens muets enterrés sous le pergélisol de Dawson City. Bonjour, Michael, comment allez-vous?

Michael Gates: Je vais très bien. Merci, Angela. Très heureux de faire votre connaissance.

Angela Misri: C’est un plaisir de vous rencontrer. Donc, maintenant, avant que nous allions plus loin dans l’histoire de Hollywood dans le Klondike, pouvez-vous nous en dire un peu plus sur les circonstances qui ont mené le Yukon à devenir un territoire canadien en 1898?

Michael Gates: Les premiers Canadiens ont habité le Yukon il y a des milliers d’années. C’était un territoire occupé. Mais, au-delà des frontières et très, très loin de là, deux nations se battaient pour savoir qui allait prendre possession de ce territoire. L’une d’entre elles était la Russie et l’autre était l’Angleterre. Ils ont conclu une entente en 1825 selon laquelle le territoire couvert par l’Alaska et le Canada, tel qu’on les connaît aujourd’hui, seraient divisés.Ils ont tracé la ligne permettant de tracer la frontière. C’était le 141e méridien. Finalement, en 1867, la Russie a vendu l’Alaska aux États-Unis.

Et, en 1896, une découverte a été faite et elle était si grande qu’elle a déclenché une ruée vers l’or. C’était un petit affluent de la rivière Klondike qui a permis cette découverte.

En un claquement de doigts, l’Alaska est passé au statut d’un territoire peu connu à celui d’être le centre d’attention de plusieurs nations à travers le monde. Une grande ruée s’est enclenchée et des dizaines de milliers de personnes se sont dirigées vers le Klondike, sans savoir à quelles conditions elles seraient confrontées une fois sur place.

Et Dawson fut créé à l’embouchure de la rivière Klondike.

Donc, voici à quoi cela ressemblait. Vous avez cette ville qui grandit rapidement. Aussitôt que la glace s’est brisée au printemps 1898, des milliers et des milliers de personnes ont commencé à converger vers cette petite communauté dans le milieu de nulle part.

À l’époque, ce territoire faisait partie des Territoires du Nord-Ouest qui étaient une vaste portion de territoire qui incluait la Saskatchewan, l’Alberta et le Yukon. Instantanément, cela a suscité l’intérêt des habitants de Régina qui se sont dit qu’ils pourraient envoyer des représentants du gouvernement afin de collecter des droits de douane sur les boissons alcoolisées et autres produits dans le genre.

Et, en même temps, le gouvernement canadien était bien au courant de ce qui se passait et ils envoyaient leurs propres représentants du gouvernement pour faire la même chose. Il y avait donc un conflit, à savoir à qui appartenait ce territoire et qui y avait juridiction. Cela a grandement contribué à l’adoption de la Loi sur le Yukon, entrée en vigueur le 13 juin 1898, qui établit effectivement la compétence fédérale.

Angela Misri: En plus de la ruée vers l’or, quels ont été les événements majeurs qui ont façonné le Yukon au cours des 125 dernières années?

Michael Gates: En effet, la ruée vers l’or a entraîné le tout! À l’époque, la population atteignait environ de 25 000 à 30 000 habitants, principalement à Dawson et dans des champs aurifères adjacents.

Et, plus de 10 ou 12 ans plus tard, l’époque de la ruée vers l’or a tranquillement été chose du passé. Ensuite, en 1914, la guerre est déclarée. Donc, le Yukon, ainsi que ses habitants ont été impliqués dans l’effort de guerre et, au cours des quatre années qui ont suivi, environ le quart de la population s’est enrôlé dans l’armée et a servi dans le corps expéditionnaire canadien outre-mer.

Donc, c’était un événement majeur, cela a eu des conséquences majeures sur le développement du territoire, qui est demeuré plutôt tranquille pour les 20 années qui ont suivi, jusqu’à l’arrivée de la Seconde Guerre mondiale. Les Japonais ont bombardé Pearl Harbor et ont commencé à envahir les îles Aléoutiennes.

Quelque chose devait être fait pour contrer cette offensive et le gouvernement des États-Unis a décidé qu’il construirait une autoroute qui lierait leurs 48 États jusqu’à leur territoire au nord, connu sous le nom d’Alaska. C’était le début de la route de l’Alaska. Cela allait avoir une incidence majeure sur le territoire parce que, jusqu’à maintenant, Dawson City demeurait la capitale. La route de l’Alaska allait tout changer. Ça et l’établissement d’un grand aérodrome à Whitehorse. Whitehorse est devenue la plaque tournante du transport et, au cours des années qui ont suivi, Whitehorse s’est transformée et a subi une forte croissance, alors que Dawson City dépérissait tranquillement. Donc, cela a une incidence majeure sur la ville et, finalement, en 1953, ils désignèrent Whitehorse comme capitale plutôt que Dawson.

Angela Misri: Hmm.

Michael Gates: Les habitants de Dawson ne leur ont jamais pardonné.

Angela Misri: Non, ils ne le feraient pas. Non.

Michael Gates: Au cours des années qui ont suivi, la communauté locale est devenue plus sensibilisée au fait que le Yukon relevait toujours du gouvernement à Ottawa. En fait, Ottawa détenait l’autorité et le pouvoir sur tout ce qui avait trait aux Affaires indiennes.
Ainsi, pendant plusieurs années, les Premières Nations ont travaillé sur une proposition appelée Together Today for our Children Tomorrow. Et, en 1973, une délégation des Premières Nations du Yukon s’est rendue à Ottawa pour la présenter au premier ministre Pierre Elliott Trudeau. Trudeau les a reçus et a amorcé le processus de revendications territoriales, qui s’est déroulé pendant les 20 années suivantes. De 1973 à 1993, de nombreuses négociations ont eu lieu entre les Premières Nations, le gouvernement territorial et le gouvernement fédéral, afin de peaufiner les détails de l’Accord-cadre définitif qui dictait le règlement des revendications territoriales dans le Territoire. L’un des grands changements a été de donner davantage d’autonomie gouvernementale aux Premières Nations. Ainsi, ici dans le Territoire, nous avons un gouvernement fédéral, territorial, municipal et un gouvernement des Premières Nations.

Angela Misri: Donc, comme présenté dans mon introduction, vous faisiez partie d’un groupe qui a trouvé des films muets datant du début des années 1900, enterrés sous le pergélisol, à Dawson en 1978. Pouvez-vous nous dire comment ces films ont pu se retrouver à cet endroit?

Michael Gates: Cela a nécessité un peu de travail afin de trouver la réponse. Tout d’abord, j’aimerais vous dire comment nous les avons trouvés. Ils étaient en train de faire des tests d’excavation. Ils allaient construire un nouveau centre de loisirs pour Dawson. La ville reposait sur le pergélisol et cela avait des conséquences importantes sur la stabilité des bâtiments.

L’adjoint au maire était présent et surveillait le chauffeur de la rétrocaveuse. Donc, la rétrocaveuse était en train de creuser. Et ils ont commencé à ressortir toute sorte de matériaux étranges. Il y avait des pierres de curling cassées, des patins, des bouteilles, du grillage à poule. Aussi, il y avait ces boîtes métalliques contenant des rouleaux de pellicule de films. La première question que je me suis posée fut: quel âge ont ces films? Si ce sont des films plus anciens, ils sont fabriqués à base de nitrate.

Les films à base de nitrate sont inflammables. J’ai donc pris une allumette et j’ai mis le feu à une petite partie de la pellicule du film et elle s’est enflammée d’un coup, me confirmant qu’elle était constituée de nitrate. J’ai pris une des bobines et j’ai commencé à la dérouler et j’ai pu voir le titre du film.

Et quelques jours plus tard, j’étais en train d’effectuer quelques recherches et, en regardant des microfilms de vieux journaux, j’ai découvert que le film avait été présenté à Dawson en 1917.

J’ai commencé à téléphoner un peu partout pour savoir si quelqu’un à l’Est serait intéressé par ce projet. Finalement, on m’a dit que je devais parler avec Sam Kula aux Archives nationales du film.

Et quand j’ai décrit ce que nous venions de découvrir, il était très intéressé. Il nous a demandé de plus amples détails. Rapidement, il nous a répondu dans un message très bref qu’il arriverait dans quelques jours et qu’il faudrait lui réserver une chambre d’hôtel pour quelques nuits.

Elle a donc pris un vol afin de voir l’objet en personne et afin d’examiner le site où ces films ont été extraits du sol. Il a décidé qu’ils valaient la peine de les récupérer et de les sauver. Ils ont donc établi un contrat avec le musée de Dawson City.

La directrice du musée s’est impliquée et a pris en charge le mandat à ce moment, marquant la fin de mon implication. Elle était aussi membre du bulletin d’information de la communauté locale. Elle avait donc informé la population locale de cette récente découverte et avait invité les citoyens et citoyennes à lui faire part de toute information qui lui permettrait d’en connaître davantage sur leur provenance.

En quelques semaines seulement, nous avons reçu une réponse d’un collègue à Vancouver qui nous a admis être responsable d’avoir fait enterrer ces films.

Afin de mieux saisir pourquoi ils ont été enterrés, on doit comprendre que, après la ruée vers l’or, Dawson City est devenue… et je n’aime pas utiliser le mot «stagnante», mais ce n’était plus l’épicentre économique.

Donc, les films muets provenaient du Sud pour terminer leur route à Dawson City. Et certains de ces films pouvaient avoir roulé pendant plus de trois, quatre ou même cinq ans. Ils étaient souvent démodés lorsqu’ils arrivaient en ville. Ils étaient considérés comme nouveaux lorsqu’ils atterrissaient à Dawson, mais quiconque de l’extérieur comprendrait qu’il ou elle a eu accès à ces films il y a déjà quelques années.

En fait, personne ne voulait ravoir ces films, donc les distributeurs demandaient à ce gentilhomme, son nom était Clifford Thompson, il travaillait à la banque, mais il travaillait aussi en tant qu’agent auprès de ces distributeurs de films. Il leur demandait ce qu’il devait en faire et ils répondirent de ne pas les renvoyer au sud et que plus personne ne voulait de ces films démodés.

Donc, il était aussi membre de l’Association de hockey amateur et ils avaient un problème parce que leur centre sportif était installé au même endroit et que, pendant l’été, ils avaient une piscine et que, pendant l’hiver, ils couvraient la piscine avec un plancher de bois et qu’ils en faisaient une surface glacée et qu’ils jouaient au hockey et au curling.

Mais, au fil des années, ils ne pouvaient plus se permettre de l’entretenir et il y a eu, je crois qu’elle a commencé à s’affaisser au milieu. Imaginez que la rondelle se retrouve toujours au centre de la glace à cause de l’affaissement…

Angela Misri: Ce n’est pas pratique, non.

Michael Gates: Non, cela ne fonctionne pas vraiment bien. Donc, ils ont décidé de la remplir. Et parce que tous ces films, des milliers et des milliers d’entre eux, étaient entreposés à la bibliothèque Carnegie, située de l’autre côté de la rue. Ils ont demandé à un autre membre de l’association de hockey, qui était camionneur, s’il pouvait apporter une remorque afin de contenir tous ces films et de les transporter de l’autre côté pour les jeter dans le trou. Cela aiderait à le remplir. C’est arrivé en 1929. Donc, 49 ans plus tard, ces films ont été retrouvés et c’est à ce moment-là que leur revalorisation a commencé.

Angela Misri: C’est fou! C’est toute une histoire. C’est une machine à voyager dans le temps. Ce moment est bien réel. J’ai une question plus personnelle maintenant. Vous avez découvert ceci en 1978 et vous avez publié votre livre en 2022. Que s’est-il passé entretemps?

Michael Gates: Eh bien, la première étape a été que les films ont été récupérés lors de l’excavation du sol.

Ils ont été acheminés dans un complexe industriel détenu par Parcs Canada, situé à quelques kilomètres de Dawson. C’était l’ancien siège social abandonné d’une compagnie de dragage. Ils étaient entreposés dans une cave à légumes où la température était plutôt basse et que, si un feu se déclenchait, il n’y aurait aucun risque.

Le bâtiment était loin des autres bâtiments. Ils ont passé à travers l’ensemble de ces films et ils ont identifié leur contenu et ont compilé une liste de plus de 500 titres. Et nous avons dû transférer ces derniers à Ottawa.

Nous les avons mis dans des boîtes et il s’est avéré qu’une compagnie de déménagement retournait à Whitehorse avec toutes les possessions d’un individu et que nous avons pu entreposer toutes ces boîtes à l’arrière du camion et les envoyer à Whitehorse.

Et je suis allée là-bas afin que les dispositions nécessaires soient prises pour les envoyer à Ottawa. Le Canadian Pacific Airlines refusait de transporter les films composés de nitrate, considérés comme des matières dangereuses et que les lois aériennes ne le permettraient pas.

La compagnie de déménagement était régie par les mêmes restrictions et ne voulait pas y toucher. Je suis allée voir la compagnie Greyhound et il s’y refusait. Et maintenant que pouvions-nous faire? Nous étions en train d’évaluer la possibilité de prendre l’un des véhicules du parc et de le remplir de ces films et d’envoyer quelqu’un les livrer à Ottawa.

L’un de nos concitoyens, notre chef de l’administration, qui travaillait pour l’armée, nous a suggéré de contacter le ministère de la Défense nationale. Finalement, ils se sont envolés en avion de transport Hercules jusqu’à Whitehorse, où ils ont chargé l’avion de ces films et les ont transportés jusqu’à Ottawa. Ils ont été accueillis par les membres des Archives nationales du film et, en quelques jours, ils ont trouvé une technique ingénieuse afin de stabiliser ces films. Éventuellement, plusieurs années plus tard, ils les ont transformées en fichiers numériques à haute résolution. Et, vers 2015, Bill Morrison, un cinéaste de New York nous a contactés. Il souhaitait créer un film en utilisant ces copies numériques. C’est ce qui servit de base au film appelé Dawson City Frozen Time, qui a été projeté partout à travers le monde. Entretemps, j’ai compris qu’il y avait eu beaucoup d’histoires qui circulaient autour de la découverte du film et qu’elles n’étaient pas exactes.

Sam Kula est décédé. Il ne restait plus beaucoup de témoins de ce qui s’était passé au tout début. Donc, j’en ai fait une tâche bien personnelle que d’écrire l’histoire sur la découverte de ces films et sur ce qui s’est passé par la suite avec ces films. Et, donc, des années plus tard, c’est ce qui m’a motivé à écrire le livre Hollywood and the Klondike.

Angela Misri: Quelle histoire fantastique! C’est incroyable. Monsieur Gates, y a-t-il autre chose que vous aimeriez nous partager?

Michael Gates: Eh bien, nous pourrions aborder les liens entre le Yukon et Hollywood.

Angela Misri: Dites-moi, quels sont ces liens?

Michael Gates: En fait, tout d’abord. La ruée vers l’or du Klondike a fortement alimenté l’image que le public se faisait du Nord. Et on remercie des personnes tels que Robert Service et Jack London. Et Hollywood a rapidement choisi le Klondike comme l’une de ses thématiques récurrentes et ils ont produit plusieurs films en ce sens. Certains de ces films étaient basés sur les écrits de Jack London.

Je crois que le film Call of the Wild a été reproduit sous forme d’un film, par exemple. Ils ont également utilisé l’histoire du livre de Robert Service, The Trail of Ninety Eight, et l’ont transposé en film muet. Selon moi, c’était l’un des meilleurs qui représentait la ruée vers l’or. Et bien sûr, qui peut oublier le film de Charlie Chaplin?

Angela Misri: Oui.

Michael Gates: Un classique, ce film La Ruée vers l’or.

Angela Misri: Merci beaucoup, M. Gates, d’avoir partagé avec nous cette facette de l’histoire du Yukon.

Michael Gates: Ce fut un plaisir de discuter avec vous. Merci beaucoup, Angela.

Angela Misri: J’aimerais maintenant accueillir la Cheffe régionale Kluane Adamek à notre émission. Elle est Cheffe régionale de l’Assemblée des Premières Nations pour le Yukon depuis 2018 et, en 2020, elle a reçu le prix du Top 25 Canadian Women of Influence Award [Top 25 des femmes d’influence canadiennes.] Elle a également dirigé et fondé le projet Our Voices: Northern Indigenous Emerging Leaders Collective. [Nos voix : Collectif des leaders émergents autochtones du Nord.] Bienvenue, Cheffe régionale.

Cheffe régionale Kluane Adamek: Bonjour!

Angela Misri: Donc, comme vous le savez, 2023 marque le 125e anniversaire du Territoire du Yukon qui s’est joint au Canada. Qu’est-ce que cet anniversaire signifie pour vous? En ce qui a trait à la vérité et la réconciliation?

Cheffe régionale Kluane Adamek: Vous savez, c’est une conversation très importante à avoir pour notre région parce que nous parlons que notre territoire qui, d’un point de vue colonial, pourrait avoir 100 ans.

Mais le Yukon a existé et ses habitants y ont vécu depuis plusieurs milliers d’années, vous savez. Les gens qui sont d’ici aussi. Donc, c’est assez intéressant. Ce genre de conversation nous amène à nous questionner sur le sort de notre territoire pour les 100 prochaines années.

Et quand nous portons notre attention sur le temps et l’espace, cent ans ne représentent qu’un bref instant. Lorsque nous pensons aux histoires et aux chansons que nous avons sur les migrations de transition qui se sont produites… des gens provenant de lieu connu comme l’Alaska, le sud-est de l’Alaska, vers le Yukon et vice-versa, nous nous rendons compte qu’il s’agit d’une période de transition. C’est important de reconnaître d’où nous venons également. Nous devons aussi réfléchir à où nous allons sur ce chemin de la réconciliation et nous questionner sur ce que cela signifie pour nous. Nous ici au Yukon, où les 125 ans de la ruée vers l’or ont été célébrés, une histoire où les communautés du Yukon ont été dévastées.

Angela Misri: Donc, je veux dire que sur le plan de la vérité et de la réconciliation, c’est plus rafraîchissant de penser ainsi.

Cheffe régionale Kluane Adamek: Ça l’est. Et c’est un élément très important auquel nous devons nous attarder et que plusieurs personnes dans ce pays ne comprennent pas encore, vous savez, c’est que ces réalités sont plutôt récentes pour les peuples autochtones lorsque nous parlons des pensionnats. Il y a aussi eu la rafle des années 1960.

Angela Misri: Ouais.

Cheffe régionale Kluane Adamek: Nous commençons à entendre les survivants de cette époque qui nous racontent leurs histoires. Le quotidien de nos communautés a été chamboulé et de nombreuses générations de famille ont été bouleversées à tout jamais en raison de ces choses.

Angela Misri: Ouais.

Cheffe régionale Kluane Adamek: Comment cela nous a-t-il affectés? Et c’est parfois très difficile. En même temps, vous voyez toute cette nouvelle génération d’enfants qui grandissent en jouant du tambour, en chantant et en dansant et, vous savez, qui sont si fiers de ce qu’ils sont. Vous savez, si vous n’êtes jamais allés au Yukon, vous savez, avant d’atterrir, et je ne suis pas en train d’associer l’art des Premières Nations dans les aéroports à l’utopie et la réconciliation ayant été cochée. Mais ce qui est vraiment important, c’est que lorsque vous allez au Yukon et que vous atterrissez, j’aimerais que vous puissiez voir physiquement le panneau de bienvenue dans la ville de Whitehorse, et que vous puissiez le voir en Dän K’è ou en Tutchone du Sud, que vous puissiez voir que nous sommes toujours là. Et non seulement nous sommes toujours là, nous inspirons et nous provoquons le changement qui doit se produire dans nos communautés, mais nous inspirons également le changement qui doit se produire sur notre territoire et au-delà.

Angela Misri: Vous parlez souvent de la Première Nation de Kluane comme une société matrilinéaire et matriarcale. Comment cela influence-t-il votre travail et comment décririez-vous le leadership?

Cheffe régionale Kluane Adamek: En ce qui concerne la façon d’être et le mode d’apprentissage matriarcal, cela passe par un lien avec la terre et l’eau.

Hum et vous entendrez parfois les aînés en parler, vous savez. Shirley Adamson, qui est une matriarche et avec qui je suis très reconnaissante d’avoir développé une relation, mais c’est aussi une amie qui m’est très chère et qui est décédée l’an dernier, me parlait du fait qu’elle avait l’autorité de parler parce qu’elle se trouvait sur les terres de sa grand-mère. C’était le pays de sa grand-mère. J’ai conservé ce souvenir précieusement puisqu’on entend rarement ce type de réflexion dans le contexte occidental, non? Mais, lorsque vous parlez de la personne que vous êtes et d’où vous venez dans notre monde, c’est toujours en lien avec votre mère, avec votre lignée de clans. Votre lignée de clans se transmet à travers les mères et les grands-mères qui vous ont porté, façon de parler. Il y a aussi des responsabilités qui viennent avec. Et donc, ce sont les femmes, avec les histoires et les enseignements qui aideraient à guider, de bien des façons, les chefs à prendre des décisions. Cela peut être pour des partenariats commerciaux ou stratégiques ou à des alliances pour des échanges ou même des mariages dans certains cas.

Ce sont vraiment les femmes qui donnent la voie à suivre aux chefs et ces derniers vont toujours demander conseil aux aînés. Dans ce cas, ce sont les matriarches. Que diraient les grands-mères? Et, dans certains cas, vous savez, pas juste chez les Premières Nations. Vous savez, vous ne voulez jamais vraiment contrarier les tantes ou les grands-mères en aucun cas, non?

Mais je crois que, même encore plus dans nos communautés. Quand je fais référence aux communautés, je parle du Yukon. De façon générale, je dirais que le Yukon est un peuple assez matrilinéaire et que je trouve que le contact dans d’autres endroits du pays et même du monde est quelque chose de vraiment différent et peut être difficile à vivre quand on en fait soi-même l’expérience. Peut-être que ce manque d’expérience, de ne pas avoir cette compréhension de la situation, que lorsqu’une femme parle d’un enjeu ou qu’une grand-mère ou une mère parle d’un enjeu et qu’il lui faut du temps et de l’espace et le respect nécessaire pour qu’elle puisse réfléchir. Vous ne voyez pas nécessairement ça dans les modes de pensée et de connaissances en occident.

Angela Misri: Je comprends que vous avez travaillé avec la jeunesse autochtone, en particulier avec la fondation de votre organisation Our Voices. Pouvez-vous m’en dire un peu plus sur ce qui vous a motivé à travailler avec les jeunes et pourquoi est-ce important pour le futur du Yukon?

Cheffe régionale Kluane Adamek: Je suis si heureuse d’en parler parce que j’ai eu des souvenirs qui sont réapparus récemment, mais de bons souvenirs, à propos d’une époque où je travaillais avec des gens formidables. Le projet Our Voices est né lors d’une période très sombre et lourde. J’avais un cousin et son nom était Colin. Il s’est enlevé la vie dans notre communauté et c’était très lourd. Ouais, c’était très lourd. Et je… vous savez, c’est un petit cousin à moi, mais c’était un frère, un fils, un ami très cher, un cousin très propre pour plusieurs d’entre nous. Un neveu, un petit-fils. Son départ a grandement affecté l’ensemble de enotre communauté et même le Yukon en quelque sorte. Il y a eu une sorte de tendances de morts par suicide dans les collectivités rurales nordiques et les régions nordiques. Et il y a des groupes qui se sont mobilisés et qui se sont dit qu’ils devaient faire quelque chose. Nous ne pouvons nous en tenir aux personnes élues. Nous ne pouvons nous en tenir au gouvernement. Nous ne pouvons en tenir à nos propres gouvernements des Premières Nations. Nous ne pouvons nous accuser entre nous. Nous devons tout simplement nous rassembler afin de réfléchir et de voir ce que nous pouvons faire en tant que jeunes pour nous soutenir les uns et les autres. C’est ce que nous devons faire. La question n’était pas de demander la permission, mais plutôt de créer une communauté. Nous le faisions avant Zoom, en conférence téléphonique. Nous nous sommes réunis à plusieurs dans tout le Yukon, un peu comme un télégraphe de mocassins, si vous voulez, mais par le biais de la messagerie Facebook. Et nous nous sommes dit, la première chose qui est venue à notre esprit, et je parle comme de la jeunesse qui, à mon avis, est un groupe de 20-25 ans et moins.

Et, ensuite, nous avons les leaders en devenir, qui ont 25 ans et plus et vous vous demandez s’ils ou elles sont des aîné.e.s ou non? En bref, vous êtes l’un des deux. Mais nous nous sommes rassemblés. Et la première chose dont nous avons tous parlé, c’est que nous avions tout simplement besoin d’aller sur la terre, de parler et de guérir. Et les anciens diront cela, n’est-ce pas?

Quand ça ne va pas, va tout simplement sur la terre, va marcher et trempe tes pieds dans l’eau. Détail à part, je dois intégrer ce conseil davantage puisque je ne suis pas allée à l’extérieur autant que j’aurais voulu cet hiver. Et je peux le ressentir. Donc, c’est ce que nous avons fait. Nous avons mis en œuvre l’un des premiers rassemblements des jeunes à avoir eu lieu depuis des années: Northern Indigenous Emerging Leaders. Un lien s’est créé entre nous. Ensuite, Our Voices a émergé de ce collectif. Nous nous sommes rassemblés à deux reprises par la suite. Les choses ont changé lorsque certaines personnes impliquées dans ce groupe ont fini par être élues à des postes de direction. Jordan Peterson est devenu le vice-président du Conseil tribal des Gwich’in. Ensuite, j’ai été élue Cheffe régionale. Nous étions plusieurs à pouvoir mettre en œuvre le changement autour de nous. Certains d’entre nous occupaient maintenant des postes d’élus.

Et, donc, ce groupe de jeunes s’est formé naturellement, dans une période plus difficile, et a créé ce dont il avait besoin et a continué de travailler, en ce sens, dans de nouvelles positions.

Angela Misri: C’est tellement encourageant! J’aimerais bien essayer ceci dans ma communauté. Merci beaucoup pour votre temps, Cheffe régionale. J’ai beaucoup apprécié notre conversation.

Cheffe régionale Kluane Adamek: Merci à vous et merci d’avoir pensé à moi. J’en suis très reconnaissante.

Angela Misri: Et merci d’écouter Voyages dans l’histoire canadienne. Ce balado est financé par le gouvernement du Canada et est créé par The Walrus Lab. Comme pour tous nos épisodes, les transcriptions sont disponibles en anglais et en français. Pour lire les transcriptions, veuillez visiter thewalrus.ca/canadianheritage. Cet épisode a été produit par Caro Rolando et a été édité par Nathara Imenes. Amanda Cupido est la productrice déléguée.

Nous tenons à remercier Patrick Moore et le Centre des langues autochtones du Yukon pour l’enregistrement audio de la chanson Challenge, joué par le groupe de tambours Tulita. Elle a été enregistrée pendant un échange culturel entre la rivière Ross et Tulita, quelque part entre 1985 et 1990. Pour en savoir plus sur les moments clés de l’histoire canadienne, visitez thewalrus.ca/CanadianHeritage.

Sign up to read this article
Read news from 100’s of titles, curated specifically for you.
Already a member? Sign in here
Related Stories
Top stories on inkl right now
One subscription that gives you access to news from hundreds of sites
Already a member? Sign in here
Our Picks
Fourteen days free
Download the app
One app. One membership.
100+ trusted global sources.